Une personne sur dix souffrirait de phobie, ou « peur persistante et intense à caractère irraisonné ou bien excessive, déclenchée par la présence ou l’anticipation de la confrontation à un objet ou à une situation spécifique ». Les habitudes de vie sont alors perturbées au point parfois de troubler les activités socioprofessionnelles et les relations interpersonnelles. Elyssa est bien placée pour le savoir : elle souffre d’une phobie particulièrement handicapante qui l’empêche de vivre sa vie simplement, comme elle l’entend. Voici son témoignage…
« Lorsque j’annonce aux personnes que je rencontre que je suis agoraphobe, elles pensent que j’exagère, que je suis juste un peu casanière. Mais l’agoraphobie, c’est un peu plus agressif que cela… pour simplifier les choses, pendant de nombreuses années, j’ai dû faire face à une peur incontrôlable de sortir de chez moi. J’ai longtemps évité les lieux publics et il m’est encore parfois impossible d’aller faire des courses au supermarché ou de sortir avec les copines.
Ces angoisses remontent à mon enfance. Petite déjà, je stressais lorsque mes parents me demandaient d’aller acheter du pain chez le boulanger. Je me souviens très bien que je devais prendre quelques minutes pour me préparer psychologiquement au fait de croiser quelques passants. Et ça ne s’est pas arrangé avec le temps, bien au contraire! A 16 ans, alors que toutes mes copines mentaient à leurs parents pour aller aux soirées, je restais tranquillement chez moi. Aux yeux des gens, j’étais une sage petite fille mais au fond de moi, je souffrais atrocement.
J’ai eu ma première crise d’angoisse au collège, en plein cours de français. J’écoutais la prof parler du romantisme lorsque tout à coup, tout m’est apparu très différent, étrange, hostile. Mon cœur s’est mis à battre à toute vitesse, ma respiration s’est faite de plus en plus courte et douloureuse. Je n’entendais plus rien autour de moi, juste un long sifflement dans les oreilles. Pourtant, en réalité, rien n’avait changé: ma prof, mes camarades et la salle étaient toujours les mêmes. Le pire, c’est que tout s’est passé dans ma tête. Personne n’avait remarqué que mon attitude avait changé. Mon angoisse est repartie comme elle était venue, en quelques secondes, sans que je fasse quoi que ce soit et me laissant aussi essoufflée que si j’avais couru le marathon de New York.
Avec le temps, ces crises d’angoisse se sont multipliées et ont empiré au point que j’étais terrifiée d’aller à l’école. Vous ne pouvez pas imaginer la détresse que l’on peut éprouver dans ces moments-là, d’autant plus que mes parents étaient persuadés que ce n’étaient que des caprices ou une étape difficile de ma crise d’adolescence. Il m’est arrivé de me taillader les poignets pour me convaincre que ma souffrance était bien réelle, que je n’étais pas folle.
Pendant la même période, j’ai remarqué que l’idée de sortir me stressait. Ce n’était pas nouveau, ça faisait des années que mes boyaux se tordaient au moment de passer la porte, mais pour la première fois, je faisais le lien entre les divers indices par lesquels s’exprimait mon mal-être. Pour la première fois, je comprenais que mon angoisse n’était pas normale mais surtout qu’elle n’était pas une fatalité.
C’est à ce moment que je me suis mise à faire tout un tas de recherches sur internet, à lire des dizaines de témoignages qui racontaient pratiquement mot pour mot ce que je ressentais depuis tout ce temps. Chaque ligne serrait encore un peu plus fort mon cœur jusqu’à ce que je ne puisse plus retenir cette peine qui comprimait ma poitrine. Quasi instantanément, de grosses larmes ont roulé sur mes joues.
J’étais arrivée à un point de rupture, je ne supportais plus ma vie et il fallait absolument que je reprenne le contrôle. Après avoir longuement discuté avec mes parents, j’ai réussi à les convaincre de m’emmener voir un psychologue spécialisé dans les thérapies comportementales et cognitives.
Après deux longues années de suivi psychologique, j’ai appris à mieux comprendre le fonctionnement de mon agoraphobie. Mon état général s’est amélioré malgré quelques rechutes. Je ne suis pas encore capable de mener la vie de n’importe quelle jeune femme de 24 ans mais j’essaie de ne pas relâcher mes efforts. Je sais que le bout du tunnel n’est pas loin.»